Quelle possibilité a-t-on de changer de caractère ?
29 avril 2019L’Imam Al Ghazali dans (Mîzân Al ‘amal)
Certains de ceux qui sont enclins au laisser-aller s’imaginent que le caractère ne change pas au même titre que l’aspect physique. Ils se fondent sur cette parole du Prophète – Que la prière et le salut soient sur lui : «Dieu a achevé complètement la création». Ils pensent que le changement de caractère n’affecte pas la création de Dieu. Cependant, ils ne tiennent pas compte de cette autre parole de l’Envoyé de Dieu – Que la prière et le salut soient sur lui : «Améliorez votre caractère». Ils n’ont pas songé au fait que si cela n’était pas possible, le Prophète – Que la prière et le salut soient sur lui – ne l’aurait pas ordonné. Si cela était impossible, les recommandations, les exhortations, les promesses et les menaces n’auraient plus aucun intérêt. Les actes sont le produit du caractère comme la chute d’un objet est la conséquence du poids naturel. Aussi, ne peut-on pas blâmer l’acte sans en faire de même avec le caractère. Au contraire, comment peut-on nier l’éducation de l’homme et, en même temps, accepter la souveraineté de sa raison tandis que le changement du caractère des animaux est possible ? En effet, la bête sauvage, après avoir été chassée, peut être apprivoisée, le chien peut être dressé, le cheval rebelle peut être dompté. Tout cela s’inscrit dans le changement de caractère.
En fait, la création de Dieu le Glorieux se divise en deux parties : sur la première, nous n’avons aucune influence. Il en est ainsi du ciel, des astres, les membres de notre corps et ses parties. Il n’y a plus rien à faire en ce domaine. Dans la seconde, on a placé, dans les choses créées, une faculté à même d’accepter la perfection si la condition de l’éducation se réalise. Celle-ci dépend des choix que l’on fait. En effet, le noyau n’est ni un pommier, ni un palmier, mais il possède une force qui le rend apte à devenir un palmier par l’éducation. Il le sera si le choix de l’homme est porté sur cette forme d’éducation. C’est pourquoi, si nous voulons arracher totalement de nous-mêmes la colère et l’appétit, alors que nous nous trouvons dans cet univers, nous en serons incapables. Mais si nous voulons les maîtriser, nous sommes à même de le faire par des exercices et des efforts continus. C’est d’ailleurs ce qui nous a été prescrit parce que c’est une condition de notre bonheur et de notre salut. Il est vrai que les natures sont différentes. Certaines reçoivent rapidement l’éducation et d’autres sont plus lentes. Cette différence porte sur deux causes :
– La première revêt un caractère génétique. La faculté de l’appétit, celle de la colère et celle de la réflexion sont contenues dans l’homme. La plus difficile à changer est la faculté de l’appétit car elle est d’existence plus ancienne et plus tenace que les autres. Elle est la plus enracinée en l’homme et la plus adhérente dans la mesure ou elle s’y trouve dès le commencement. Elle existe chez l’animal qui représente l’espèce de l’homme. La faculté de la colère vient par la suite. Mais la faculté de la réflexion n’apparaît que plus tard.
– La seconde cause est que le bon caractère s’affermit en fonction de la multiplicité de l’action au moyen de l’obéissance à ses commandements et en le considérant bon et satisfaisant. En ce domaine, les gens se divisent en quatre catégories :
1 – L’homme indifférent qui ne distingue pas le vrai du faux, le beau du laid. Il est dépourvu de convictions et dépourvu aussi d’appétit par l’abandon aux plaisirs. Celui-ci accepte le traitement mais il lui manque un éducateur pour le lui enseigner et un incitateur intérieur qui le porte à suivre cet enseignement. Il est à même d’obtenir rapidement un bon caractère.
2 – L’homme qui sait que le laid est laid mais qui n’a pas pris l’habitude de bien réagir. La vilenie de ses actes lui a été embellie dès le début. Il s’abandonne à leurs exigences, obéissant à ses appétits, ne prêtant aucune attention à ses vues correctes. Le cas de cet homme est plus délicat que le premier, dès lors que son mal est double. Pour cela, il a à sa disposition deux moyens : le premier, c’est d’extirper les mauvaises habitudes qui se sont enracinées en lui, l’autre, c’est d’amener l’âme à son contraire. En général, il a une aptitude à recevoir l’éducation s’il s’y adonne avec zèle.
3 – L’homme qui considère que les mauvaises qualités sont obligatoires, bonnes, justes et belles. Dès lors, son éducation se conçoit dans ce sens. Le traitement de cet homme est quasiment impossible. On peut s’attendre rarement à sa guérison, dans la mesure où il y a en lui plusieurs causes d’égarement.
4 – L’homme a grandi avec de mauvais principes qu’il a pratiqués. Celui-là croit que sa vertu consiste à multiplier le mal et à faire périr les âmes. Il s’enorgueillit et croit que cela élèvera son rang. C’est le cas le plus difficile. C’est à son sujet qu’il a été dit : Tâche ingrate que de dresser un loup pour l’amadouer et de laver un cilice afin de le rendre blanc.
Le premier de ces hommes cas est appelé ignorant, le second ignorant et égaré, le troisième ignorant, égaré et pervers, le quatrième ignorant, égaré, pervers et méchant.